J’ai toujours aimé le silence. Peut-être car très tôt autour
de moi, les cris, les bruits, les rumeurs, me remplissaient la tête. Les histoires
crève-cœur des adultes m’entourant. Me considérant comme un joli meuble sage ou
carrément une adulte. Il y avait toujours du mouvement et du bruit. Même le
soir, la charge lourde de chaque journée m’envahissait la tête, sur l’oreiller,
je ne trouvais pas le repos. La musique m’aidait à dormir, mais le jour, bien
réveillée, c’est le silence qui m’apaisait. Le silence qui permet de faire
connaissance avec une maison; ses bruits divers, qui la rendent unique. Le
silence qui me permettait d’écouter mieux les battements plus calmes, de mon cœur.
Qui me permettait de me sentir en quelque sorte, en sécurité. C’est pour
beaucoup, ce qui fait que moi, le silence ne me fait pas peur. J’en ai besoin,
et ça ne me rend pas mal à l’aise. Je sais aussi lire les silences. Mieux! C’est
un langage que je parle couramment. Car tant de choses passent par le silence.
Des mots, des courants, des intentions et toute la gamme des émotions humaines.
Le silence, une sécurité, et un réconfort dans la solitude.
La solitude qui m’était chère, elle aussi. J’aime le silence. On entend et on
comprend tellement de choses, dans le silence. Ça me berce et me rassure le
silence. La seule variation au silence que j’ai vécue, remonte à très
récemment. Maman de deux garçons, je n’habite plus sous le même toit qu’eux
depuis déjà deux ans. Mon rapport au silence après être devenue maman, a connu
une belle tournure. Mes fils m’ont offert leurs musiques aussi tôt que leur
neuf mois dans mon ventre. Je ne saurais comment l’expliquer, mais il est de
ces petits bruits, lorsque l’on partage notre corps avec une vie qui pousse en
soi, qui sont merveilleux et uniques. Plus l’enfant grandit à l’intérieur de
soi, plus les petits bruits sont distinctifs. Puis ensuite, bébés, tendre
enfance, enfance et adolescence et vie de jeunes adultes. Les rires, les larmes,
les cris. Chacun de mes fils affecte mes silences à sa manière. Mon aîné est
très verbomoteur. Il ne peut s’empêcher de partager, de se confier, de parler,
de rire et de s’indigner. Mon cadet est un peu comme moi. Aucune difficulté à
être seul, dans le silence et à faire ses petites affaires.
Depuis que j’ai emménagé avec mon mari, le silence pour la
toute première fois de ma vie parfois, se faisait lourd. Ça arrive encore, mais
beaucoup moins. Les musiques de mes fils, leurs sons, leurs bruits… ils me
manquaient cruellement au début. Je n’avais jamais été séparée d’eux auparavant.
Leur absence se faisait sentir dans le silence parfois plus omniprésent. J’ai dû
m’habituer à ce silence, et ce ne fut pas facile. Ce fut source de souffrances,
de nuits bouffées par des cauchemars, des larmes. Beaucoup de pleurs et de
douleurs, de la confusion aussi. Les circonstances étaient déjà difficiles, et
apprivoiser ce nouveau silence signifiait faire un deuil auquel je n’étais ni
préparée, et surtout pas encline à le faire. Ce fut un cheminement, très long,
avant que j’apprivoise ce nouveau silence. Les bruits de l’appartement, des
voisins et du quartier, que met en évidence mon cher silence, se sont fait
rassurants. Doucement, ils sont devenus familiers et ils bercent désormais mon
quotidien en perçant le silence.
Mon lien au silence fluctue mais, il n’en demeure pas moins,
que j’apprécie énormément le silence. Ça m’apaise, me calme. Je me dépose d’une
manière unique dans le silence. J’apprécie aussi les silences dans une conversation.
Je suis triste parfois et, même irritée d’autres fois, lorsque certaines
personnes percent le silence pour dire des idioties. À cause d’un malaise, car
elles ne supportent pas le silence. Je trouve ça à la fois énervant et dommage.
Une des choses que j’apprécie le plus, c’est le silence savouré avec l’être
aimé. Lire collés, chacun un livre entre nos mains, pas de musique. Le souffle
de l’autres, ses borborygmes, les pages de livres qui se tournent. Les yeux qui
se rencontrent, les corps qui se frôlent et de cherchent. Sans mots. Le silence
compose alors une musique; la nôtre. Dans des moments de paix, de pause et de
tendresse. Tellement de choses s’expriment, dans le silence.
Les saisons je trouve, affectent aussi le silence. Les
silences d’hiver sont mes préférés. On dirait que le silence règne l’hiver. Il
est plus fort, plus présent et plus résonnant. L’été est la saison ou il se
fait plus timide. Les bruits sont partout, entrant par les fenêtres, qu’on le
veuille ou on. Les gens sont dehors, partout et les cris et rires des enfants,
les bruits des voitures; tout est amplifié. Les moments de silences y sont plus
rares, dépendamment l’endroit. L’automne, le silence est mélancolique, il
reprend aussi ses droits. Il pousse à l’introspection, la réflexion. Les
silences de journée grise et pluvieuse d’automne sont parmi mes favorites! Le
silence du printemps est pimpant et grouillant. Il met en valeur les bruits de
la vie qui reprend partout. Il y a de belles journées de printemps ensoleillées
qui apportent des silences chaleureux et bienfaisant.
Je pourrais écrire et parler longtemps du silence. Qui met
tellement de chose en évidence, qui berce et qui calme. Petite, je me disais
que la solitude était ma mère, et le silence, mon père. Rassurants, indéfectibles
et constants. Gardiens de mon cœur, de ma santé mentale, cette conception des
choses est restée longtemps avec moi. Les racines de cette conception remontent
à l’enfance et il en reste encore des traces parfois.
Le silence c’est aussi ce qui sort de ma bouche souvent (de
moins en moins heureusement) lorsque je suis émue, surprise et touchée. Les mots
ne sortent pas, même s’ils se bousculent quelque part en moi. J’ai été muette
bien longtemps, sous mes sourires et les apparences d’une fille et puis une
femme, qui sait toujours quoi dire, et qui semble si sociable. Je ne mens pas
lorsque je dis que je suis sauvage. C’est demandant depuis toujours de me
fondre si bien au gens. Je suis devenue experte et cela me coûtait moins, mais
cela me coûtait toujours. Mes vrais sentiments et ce que je vivais réellement
dans mon cœur, c’était un dialogue avec moi-même. Je ne parlais pas vraiment
beaucoup. Ce qui fait que depuis que je vis 24 heures sur 24, 7 jours sur 7
avec un homme qui me voit, qui me devine et réclame tout de moi… c’est
demandant en titi! Cependant, c’est réellement une belle et bonne chose. Car
nous nous respectons beaucoup. Nous sommes très à l’écoute l’un de l’autre. Ce
fut beaucoup de travail de parler et de dire les vraies choses à quelqu’un à
qui on ne veut pas, et à qui on ne peut pas cacher les vrais sentiments. Je ne
peux plus me défiler. Je ne veux plus me défiler. Le silence est ce qui sortait
souvent de moi. Aucun son de ma bouche, mes yeux qui parlent, mon corps qui s’exprime.
Pourtant, entre nous, la conversation est importante as day one. Une fois un
grand non-retour d’une intimité absolue franchie, mes silences ont pris le plancher
et le devant de la scène pour un bout. Je ne savais pas comment exprimer
certaines choses, je n’y arrivais pas et je demeurais souvent béate ou coite.
Heureusement depuis, les choses ont évolué, je suis ailleurs
et le silence me sert, me sied et m’accompagne de nouveau de manière
collaborative et volontaire aussi. Avoir été pétrie de silence et de solitude, venait
avec certaines petites manifestations étranges. Je suis déjà étrange sous mes
airs parfois conformes et en contrôle. C’est du boulot! Des années d’observation
et de mimiques. Le silence demeure pour moi, une belle chose. Nécessaire et
apaisante. Une langue que je parle couramment et qui me sert vraiment souvent.
J’aime profondément, le silence.
1 comment:
Vous etes magnifique.
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