Friday, February 18, 2022

La poignée de main


 

La première poignée de main ever que nous avons échangée, ce fut à mon initiative. C’est tout moi! Je fais rarement les choses comme tout le monde, et j’ose souvent sur un coup de tête ou de cœur, enrobé de timidité et de maladresse. Cela faisait des semaines que nous nous épions l’un et l’autre. Un bon deux ou trois semaines, à l’automne 2016. Nous étions tous les deux relativement nouveaux dans ce qui était à l’époque notre lieu de travail. J’y étais un peu avant toi. Bref, je parlais à tout le monde sauf à toi et même chose pour toi. De plus, ce n’est pas dans nos habitudes d’être aussi gêné et intimidé. De ton côté, une collègue que nous apprécions tout les deux t’avait même dit que j’étais cool, que nous avions des points en communs et que nous nous entendrions bien (bonjour Audrey si jamais tu passes ici). Cela ne t’a pas incité à venir me parler, même si cela te démangeait.

Nous nous étions mutuellement remarqués. Mieux! Nos regards s’étaient croisés. Nous avons tout deux un souvenir très précis de cet instant magique. Temps suspendu, ralenti à tout le moins. Accrochés par les yeux, et une connexion instantanée. Un réveil. Des retrouvailles. Quelque chose de fort, de troublant... qui nous a fait peur et nous a troublés tout les deux. Même après cela, nous n’avons fait aucun pas l’un vers l’autre. La magie s’était pointée dès ce moment, mais nous mettrions des mois, des années, à concrétiser la somme de ce qui s’est passé à cet instant mémorable.

Je te sentais, et te surprenais parfois à m’épier et m’observer. Je faisais de même, beaucoup plus discrètement. T’observant régulièrement à la dérobée. Il se passait quelque chose dans le silence. Je ne connaissais même pas ton prénom! Un jour, celui qui était mon ex-mari est venu me chercher au boulot et il t’a aperçu. Une fois ensemble dans la voiture, il m’a demandé qui tu étais. Avec une agressivité typique de sa jalousie. (À ce jour ce moment étrange me laisse croire qu’il a senti ce qui se tramait avant l’heure et surtout avant nous... il a bien des défauts mais il possède aussi une intuition particulière.) Il ne m’a pas cru lorsque je n’ai pas su de qui il parlait en premier lieu. J’ignorais complètement de quel homme il parlait! Quand j’ai compris, je lui ai dit qu’il s’inquiétait vraiment pour rien, et que je ne savais même pas ton prénom! Je ne t’avais jamais adressé la parole! À partir de ce moment et ce pour plusieurs mois, il a conçu à ton endroit, une jalousie sortie de nulle part. Te couvrant de sobriquets qui m’irritaient. Jusqu’à ce que je lui demande de cesser, car il te jugeait sans te connaître et que c’était très déplacé et déplaisant. Il t’a détesté au premier regard, s’est méfié mais il finirait comme une vaste majorité de gens, par succombé à ton grand cœur et ta candeur. Une autre chose très particulière, mais là n’est pas le propos.

Quelques jours plus tard, je décidais de prendre le taureau par les cornes. Trouvant un peu ridicule que nous parlions à tout les membres de nos deux équipes, sans s’adresser la parole l’un à l’autre. Je t’ai observé et, j’ai calculé mon moment. J’ai pris une grande respiration et j’ai fait en sorte de tomber sur toi, lorsque tu faisais ton entrée dans une rangée. Je suis tomber sur toi, cœur battant en te tendant la main et en te disant ''Salut! Ça fait un bout qu’on aurait du se présenter donc voilà! Moi c’est Caroline et toi?'' Je me souviens que j’avais le feu aux joues et le cœur battant. Tu étais surpris, je crois que tu m’as souri, en tout cas tu as été amusé et tu as serré ma main. Tu m’as dit ton prénom : John-David. Pour moi, tu resterais John-David même si j’apprendrais des années plus tard que tes parents t’appellent Jean-David. Tu ne serais jamais JD ou Jean-David. Tu t’es présenté comme John-David et tu le resterais.

Comment expliqer ce qui s’est passé ensuite? Je me rappelle vaguement avoir fait des blagues quant au fait qu’il était temps que l’un de nous fasse un pas dans la direction de l’autre. Car après tout, nous parlions à tous, sauf l’un à l’autre. Salle? Tout en travaillant, nous avons débutée une conversation qui se poursuit à ce jour! Ce fut comme si tout à coup, un flot pouvait couler et ne plus s’arrêter. Tu m’as suivie un bon bout par la suite, et nous semblions incapable d’arrêter de parler. Nous avons fait connaissance, nous avons parler rapidement de magie, d’astrologie en particulier. Nous nous sommes sentis immédiatement en confiance, en sécurité et bien l’un avec l’autre. Une chose étrange et pas commune pour toi, comme pour moi. Nous étions médusés et fascinés. Il y avait un naturel entre nous, immédiat. Je sais que de mon côté j’ai fait le contraire de ce que je faisais toujours habituelle. C’est-à-dire brandir mon mariage heureux de deux décennies et mes enfants. Surtout lorsque j’avais une conversation avec un nouvel interlocuteur masculin. Avec toi, je reculais. J’y allais à reculons. Je ne voulais pas te le dire. Je ne voulais pas être mariée. C’était très incongrus et très déstabilisant! Je ne comprenais pas ce qui se passait. Aussi rapidement et intensément, dès la première conversation, au-delà de moi, malgré moi.

C’est lors de cette conversation, que nous avons parlé de nos âges. Tu m’as demandé le mien, je t’ai demandé le tien. Tu m’as révélé ton âge (27 ans) en me disant que tu ne me donnais pas bien bien plus que toi. Début trentaine. J’ai éclaté d’un grand rire franc, en te disant de manière un peu maternaliste, que tu étais bien gentil mais que j’étais pas mal plus vieille que ça. Un peu courroucé, tu m’as demandé mon âge à nouveau. Je t’ai dit en riant, que j’avais dix ans de plus que toi. Et moi, je voyais cela comme une chose négative, un obstacle. Un obstacle à quoi au juste??? Bref, quelque chose dans mon cœur à fait ''craque''. Je ne comprenais pas trop ce qui se passait en moi. Au même moment, courroucé par ma fausse désinvolture un peu maternaliste, qui mettait une distance pudente entre toi et moi, tu t’es élevé et d’une manière un peu... intense. D’un ton en fait convaincu et ferme, comme si je t’avais froissé ou contrarié, tu m’as dit ''C’est rien ça, dix ans.  rien''. Le ton sur lequel tu l’as dit demeure gravé dans ma mémoire. Tu étais sérieux, grave et déterminé à me communiquer quelque chose qui me dépassait. J’étais un peu dépitée devant ton aplomb et nous avons continué notre conversation.

Le ton de notre échange est redevenu cordial, presque familier. Nous étions fascinés, intrigués l’un par l’autre, c’était clair. (Tu devais d’ailleurs m’avouer quelques années plus tard que ce fameux ''C’est rien ça dix ans'' était pour contrer la barrière que j’érigeais déjà entre nous. Tu ne voulais pas que ces années viennent se mettre entre nous. Tu ne voulais pas que je te classe dans une catégorie trop jeune pour être digne d’un intérêt romantique, que je te vois comme un jeunot.) Si clair, que je savais que je devais cesser de jouer à l’autruche. Le cœur lourd, je me souviens très bien t’avoir annoncé du ton le plus faux que je n’ai jamais eu pour dire... que j’étais mariée et mère de deux grands garçons. En fait j’ai commencé par le plus facile; dire que j’étais mère. Tu as été surpris, mais curieux et intéressé, tu as posé des questions. Si ma mémoire est bonne, tu m’as demandé une question sur le père et j’en ai profité pour lancer que j’étais mariée à leur père depuis vingt ans. Et très heureuse en plus. C’est la première fois de ma vie que prononcer ces mots me coûtait. Le pincement ressenti était réel, j’avais l’impression pour la toute première fois que je ne faisais pas la bonne chose. Mon mensonge me pesait pour la première fois de ma vie. Et je me trouvais ridicule! Je ne comprenais pas très bien, c’était absurde et inconfortable. Je me souviens de ta surprise, avec un soupçon de déception. Que j’ai vivement ressenti, mais que j’ai rapidement nié et enfoui loin, loin, loin. Quel étrange moment que celui-là.

Avec le recul, c’est clair en titi. Dès le départ, tout était là. Mais dans ce moment, je scellais plusieurs années de nos vies. Sous ton côté chevaleresque et sous mon rôle d’épouse modèle. Mais ça me stupéfie avec le recul de voir que tout était déjà là entre nous. Sans même nous connaître, nous étions attirés l’un par l’autre. Cela coulait naturellement entre nous. Pourtant, à partir de ce moment-là, j’ai voulu ne pas comprendre, j’ai voulu ne pas voir. J’ai repoussé. Je n’étais pas prête. Je n’avais jamais vécu ça, et j'étais ébranlée. Personne ne m’avait jamais touchée. Personne. Toute ma vie j’avais réussi à éviter de mettre mon cœur en jeu d’une manière ou d’une autre. Voilà que toi, sorti de nulle part, tu ébranlais mes certitudes et mes solides fortifications. Et ce n’était que le début. J’étais franchement effrayée, j’ai eu peur et j’ai tout fait pour mettre le moins d’indices possibles, concernant mes sentiments et notre chimie instantanée. Je t’ai servie mes masques et ma vie de femme mariée extatique. Le tour était joué... pour quelques années du moins. Car apparemment le grand Amour existe et, triomphe toujours.

 

 

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