Ton regard sur moi améliore celui que je pose sur moi. Je me
rends compte, à défaire mes derniers nœuds et à rencontrer mes derniers traumas,
à quel point je me cachais. Dissimuler sous les apparences d’une vie parfaite.
Ne pas faire de bruit, ne pas déranger, certes. Aussi, je me trouvais lourde,
laide et difficile à aimer, dans mes vérités. Connues de moi seule. Et seule,
je l’étais atrocement. Même sous mon propre toit, je m’étais formatée autant
que possible, pour éviter les foudres, les abus, les violences diverses et les
disputes. Cirant, arrondissant et enfonçant tellement et tant, de parties de
moi. Me taisant. Ma vie en apparences harmonieuse, je la racontais par chœur.
Je la jouais si bien, trop bien. Fuyant le très peu de gens qui voyaient un peu,
qui sentait quelque chose. Je contrôlais le mal supplémentaire que l'on pouvait
me faire. Surtout, je soulageais les gens de mes cicatrices, mon bagage lourd
et mes maladresses et autres vulnérabilités.
Toi, tu as vu clair tout de suite et j’ai eue la frousse. J’étais
irritée aussi. Ignorant jusqu’ou portait ton regard. J’ai mis tout en oeuvre
pour tromper tes sens, pour plusieurs bonnes raisons. Celles habituelles, et
celles, qui étaient vouées à nous séparer. À nous empêcher de se rapprocher. J’ignorais
que tu étais une telle force de la nature. Plus forte que ma volonté et mes
écrans de fumée si nombreux. Plus fort que toutes mes peurs, mes doutes et l’énergie
que j’ai mise à te tenir loin. Donc au final, ça n’aura servi à rien. Nous
étions destinés l’un à l’autre, oui, oui… même si simplement de l’écrire me
fait encore sourire un brin. Au moins, je ne grince plus des dents et je ne
roule plus les yeux!
Tu as accueilli depuis le jour un, ce que je moi, je
parvenais à t’offrir et te montrer. Confiance et sécurité tu m’as rapidement inspiré.
À mon grand désarroi. Et chaque fois que j’essayais de me rendre repoussante en
te montrant certains côtés de moi, cela faisait tout le contraire, pour ma plus
grande confusion.
J’ai cru que je serais trop. Je te l’ai d’ailleurs dit dans
les premières paroles dites juste après que tu m’as fait l’aveux de ton Amour.
Juste après mon silence paniqué et ma tronche béate, je t’ai dit, parmi
plusieurs choses, que j’étais beaucoup. Le menton levé, tête haute, te mettant
en défi. Essayant de te faire peur, te faire fuir, te faire te rétracter. Je t’ai
clamé avec sincérité, que j’étais beaucoup. Cela est d’autres paroles tricotées
pour te décourager. Tu avais réponse à tout, tu ne cédais et ne reculais pas d’un
iota. Tu n’avais jamais offert ces mots, sans un pincement. Mes machinations n’allaient
pas de repousser, et tu avais réponse à toutes mes tentatives de te faire peur.
Car tu avais réfléchi, pensé et envisagé. Car tu es comme ça. Romantique et
logique. Intelligent cérébralement et de cœur aussi. Tu n’allais pas me mettre
ton cœur entre les mains sans penser aux implications pour toi, et, pour moi.
Oui, moi. Moi et ma famille, moi et ce mariage que tu croyais heureux, moi et
ce que tu connaissais de mes blessures. Avant de me mettre à risque, tu avais
réfléchi. Et tu avais donc, des réponses pour chaque objection, chaque
tentative de tuer encore ces sentiments… même si je te les avais avoués. Après
avoir été paralysée par l’aveux des tiens, entre émerveillement viscéral et une
peur froide. Tu venais de te mettre à nu et moi, j’étais propulsée au ciel et
en enfer, simultanément. Paralysée, cet air de biche devant des phares, que tu
causerais souvent chez moi, durant nos premiers mois. Pris dans le moment d’après,
suspendu à mes lèvres ouvertes qui n’offraient que le silence. J’ai
littéralement cessé de respirer, les yeux écarquillés. Tu m’offrais l’impensable.
Avec douceur, je me souviens très bien que tu m’as demandé, brisant le moment de
suspension, si je t’aimais en retour.
Dans un souffle, malgré moi, je n’ai pas pu prétendre. Je n’en
avais pas la force. J’en étais en fait incapable. Je me souviens des mots qui sont
sortis si naturellement de ma bouche. Dans un souffle. Presque un murmure.
Soulageant. Effrayant. Mais, la vérité. Celle que je tentais de tuer durant
toutes ces années. Elle venait de franchir mes lèvres, et rien n’aurait pas l’arrêter.
Je le savais. Je ne pouvais faire autrement. J’étais libérée et tétanisée à la
fois. Je ne dis pas je t’aime à la légère. Et je ne l’avais jamais dit de cette
manière. Jamais. C’était à la fois la chose la plus naturelle du monde, et la
plus absurde. Je ne savais pas ce qui allais arriver, ce que nous allions faire
de ces aveux. Le monde venait de changer et nous ne pourrions pas revenir en
arrière. Je t’en ai voulu un peu, de m’avoir bousculée ainsi. Te l’ai-je déjà
dit?
Alors s’est ensuivie mes parades et ma montée de bouclier habituelle.
Avec douceur et détermination, fort de ta sincérité et de la certitude de tes
sentiments et réflexions, tu es demeuré debout. Sous mes assauts verbaux. Je ne
te faisais pas peur. Je ne te ferais pas fuir. De nous deux, j’étais celle qui
avait peur. J’étais terrorisée. Tu étais ce que j’avais voulu éviter depuis ma
tendre enfance, et ce contre quoi j’avais lutté durant les trois années de
notre amitié jusqu’à… ce moment. Ma vie et ses apparences, mon armure, ma
forteresse et mes masques. Mon futur, mes précieux fils, cet homme que j’appelais
mon mari. Le boulot. Et toutes mes cicatrices, et mes vulnérabilités.
J’ai eu peur longtemps. Longtemps. Et pourtant, ce n’était
que la pointe de l’iceberg. Nous le savons tout les deux aujourd’hui. Mon bagage
était bien plus gros et douloureux que moi-même je ne me doutais. Et tu es toujours
là, avec la ferme intention de rester. De n’aller nulle part si je n’y suis
pas. Tu aimes de moi, chaque maladresse, chaque grimace, chaque larme et chaque
cicatrice.
J’ai cru que j’étais trop laide et trop lourde pour être vraie
et m’offrir aux regards. Le tien, me prend tout entière, et rien de moins. Que
l’on ne me dise plus jamais, que l’Amour de l’autre ne guérit pas. Oui l’amour
de soi, bien évidemment. Mais oui, aussi, l’Amour de l’Autre. Ça sauve, ça guérit.
Ça soigne et ça unis. C’est grand, l’Amour. Et ça peut-être très puissant
lorsque sain. L’Amour Alchimique. Le nôtre. Si on ne fait que s’y perdre, c’est
une erreur bien sure. Si on s’y perd et s’y retrouve, c’est une tout autre
histoire.
La nôtre, est si belle.